Pourquoi l’hébreu est important pour les Juifs du monde entier
Marina Rozenberg-Koritny, présidente du département de promotion de l’alya de l’Organisation Sioniste Mondiale

Il y a dix ans, en octobre 2015, lors du 37e Congrès sioniste mondial à Jérusalem, il a été décidé de créer un Département de soutien à l’alya – une structure qui insufflerait une nouvelle vie à l’idée sioniste. Pas en slogans, pas en affiches, mais dans un lien vivant, réel, des Juifs avec Israël. La vague d’alya des années 90, lorsque un million de rapatriés de l’ex-URSS sont arrivés en Israël, appartient au passé. Le monde a changé, la globalisation a effacé les frontières, et avec elles, la simplicité de répondre à la question : « Pourquoi Israël ? »
Mais si on écoute bien, le lien n’a pas disparu. Même pour ceux qui ne prévoient pas de déménager, il vit quelque part au niveau des racines. Comme la connaissance qu’il y a un endroit qui vous attend. Comme une force intérieure dont on ne parle pas toujours, mais qui donne du soutien.
L’un de nos premiers et plus importants pas a été la création d’oulpans – des cours d’hébreu dans les pays de la diaspora. La première année a donné le départ à 400 oulpans, et depuis, le réseau s’étend à un rythme rapide.
Rien ne rapproche autant qu’une langue commune. Ceux qui s’inscrivent aux cours d’hébreu le font souvent simplement avec le désir de « comprendre la langue de leur peuple ». Mais après quelques leçons, ils commencent à en sentir la musique, puis s’intéressent à Israël, discutent de l’actualité, envisagent l’idée de l’alya. Et même si tous ne décident pas finalement de franchir cette étape, même ceux qui restent dans la diaspora se sentent liés et solidaires de l’État juif.
J’ai vu comment, avec l’apparition d’un oulpan, une communauté juive s’anime littéralement. De nouvelles raisons de se rencontrer, de discuter, de se soutenir réapparaissent. L’hébreu devient non seulement un sujet d’étude, mais aussi un moyen d’unification. Ce n’est pas théorique – c’est ce que j’entends encore et encore dans les conversations avec les étudiants de différents pays.
Prenez, par exemple, JW3 – un centre culturel juif au cœur de Londres. Il y a des conférences, des concerts, des expositions et des cours d’hébreu. Dans des salles confortables, des gens très différents étudient : étudiants, parents, retraités. Dans la classe de l’enseignante Hagit, la langue coexiste avec le rire, le soutien et les petites victoires. L’une des élèves – une femme âgée qui vient de commencer son chemin. Elle n’a pas peur des erreurs, elle leur sourit et apprend avec une curiosité étonnante. Et c’est un sentiment merveilleux – entendre comment quelqu’un qui se taisait hier parle aujourd’hui.
Une classe d’oulpan, c’est, pour ainsi dire, une pièce avec plusieurs portes. Certains entrent pour comprendre la langue de leur peuple. D’autres pour enfin lire les nouvelles israéliennes dans l’original. D’autres encore pour se préparer à l’alya. Fait : ceux qui ont appris l’hébreu dans leur pays d’origine s’adaptent beaucoup plus rapidement et avec succès en Israël.
Aujourd’hui, plus de la moitié des Juifs vivent en dehors d’Israël. Leur identité est un mélange complexe de tradition juive et de la culture du pays de résidence. Et l’hébreu est un élément clé de l’auto-identification nationale et du mouvement vers la patrie historique.
Chaque nouveau mot en hébreu, chaque phrase – ce n’est pas juste une pratique linguistique. C’est un retour à soi, aux racines, à ce qui a toujours été à proximité, mais nécessitait juste que nous tendions la main et prenions. L’hébreu nous unit non seulement avec Israël, mais aussi les uns avec les autres, où que nous vivions, par quels chemins que nous soyons venus à l’étude de cette langue.
Au cours de la dernière décennie, nous avons ouvert 3350 classes d’hébreu, à travers lesquelles 52 000 étudiants sont passés – de la France à l’Afrique du Sud, du Canada à l’Uruguay. Ce ne sont pas des chiffres pour un rapport, ce sont des vies, des destins, une voix qui sonne à nouveau dans la langue des ancêtres. C’est une carte vivante du monde juif, où chaque point reflète le désir d’apprendre, de parler et de vivre dans la langue de son peuple. Et c’est là notre force commune, nos liens, notre avenir.